Jean-Yves Vigneau est un conteur de petites et de grandes histoires qui se définit comme un islomane*. Sa pratique est traversée par des images maritimes, particulièrement par celle de l’île, figure archétypale de l’utopie, de l’imaginaire rêvé et de l’inconnu. On dit des marins qu’ils ont le regard profond; serait-ce les vastes étendues océanes, les plans ouverts à perte de vue, ou leur désir de liberté sans entraves qui pousse ces aventuriers à se projeter toujours plus loin, quitte à utiliser une lunette pour porter leur regard au-delà du visible? Quoi qu’il en soit, on pourrait identifier Jean-Yves Vigneau à l’image proverbiale du « vieux loup de mer » et à ses fallacieuses histoires de pêches. Est-ce pour toucher notre candeur et notre besoin d’émerveillement qu’il raconte toutes ces histoires? Ou s’adresse-t-il par cette ruse à notre sens critique et à notre capacité d’indignation face aux illusions, aux dérives et aux écueils de notre société? Dans ses œuvres, Jean-Yves Vigneau évoque régulièrement le naufrage, le déclin et l’extinction, en recourant bien souvent aux récits légendaires et à la mythologie. Dieux, titans, prophètes et philosophes peuplent son monde fabuleux : à ce jour, Ulysse, Héraclès, Platon et l’oracle de Delphes ont tour à tour insufflé leur sagesse d’anciens au Madelinot.
Cette fois-ci, c’est à Noé et aux passagers de son arche qu’il fait référence. Dans son approche in situ, il privilégie des endroits qui ont forgé significativement l’histoire du lieu par leur renommée. À l’occasion de cette résidence, il a ainsi porté son choix sur le Zoo de Granby, où il a réalisé des portraits vidéos et photographiques d’animaux. Jean-Yves Vigneau répond à la proposition de Champs d’intérêt par une installation in situ sur un terrain de la rue Principale laissé en friche; cet espace, encadré par deux immeubles, crée une curieuse rupture dans la régularité du bâti de cette artère commerciale, où un arbre de grande dimension y pousse avec majesté. Il n’en faut pas plus à l’imaginaire de l’artiste, pour transformer virtuellement cet îlot, en jardin d’Éden miniature où il plantera le « décor » de son histoire.
Dans Le débarquement de Noé, le motif de la cage sert de prétexte pour avancer une réflexion sur nos propres états de captivité, sur les limites de notre regard sur le monde et sur notre façon d’appréhender le réel. Face aux portraits d’animaux présentés, comment résister à une lecture anthropomorphique qui leur prête des caractères humains, reflets de nos manies et de nos travers? Inversement, en tant que regardeurs regardés, nous pouvons supposer que de l’autre côté du grillage, quand ces animaux nous observent, ils nous trouvent bêtes !
* Inventé par Lawrence Durell, ce mot « islomane » décrit ce que l’écrivain britannique perçoit comme une sorte de dérangement de l’esprit qui fait que des gens apparemment normaux ressentent les effets d’une indescriptible intoxication à la seule vue d’une petite parcelle de terre entourée d’eau.
Originaire des Îles-de-la-Madeleine, Jean-Yves Vigneau vit en Outaouais. Essentiellement sculptural, son travail fait appel à l’in situ, l’installation, la vidéo et la photographie. Au cours de la dernière décennie, il a présenté une vingtaine d’expositions solos et participé à une demi-douzaine de symposiums avec des œuvres dont certains titres témoignent de sa mémoire insulaire — Il était une fois une mer, Marée basse, Le foie de morue. Mentionnons qu’il présentait, dans le cadre d’une résidence au 3e impérial en 1997, une installation in situ dans l’ancienne usine Stanley Tools à Roxton Pond.
Il a réalisé plus d’une douzaine d’œuvres d’art public permanentes. Il a également été commissaire d’événements dont Les Islomanes, un symposium en arts visuels présenté aux Îles-de-la-Madeleine en juin 2004. Récipiendaire du Prix à la création artistique en région du Conseil des arts et des lettres du Québec en 2003, Jean-Yves Vigneau a été étroitement lié au développement, à Gatineau, des centres d’artistes AXENÉO-7 et DAÏMÕN, et a coordonné la réalisation de LA FILATURE inc., qui abrite ces deux organismes depuis 2002.
Ce projet de Jean-Yves Vigneau a été réalisé de août 2006 à juin 2007 dans le contexte du cycle d’exploration Champs d’intérêt : infiltrer, habiter, spéculer, un programme de résidences de création, de coproduction et de diffusion en art infiltrant du 3e impérial, centre d’essai en art actuel.
Résidence en art infiltrant
Séjour de prospection
28 août au 1 septembre 2006
Séjour de création/production
2 au 28 avril 2007
Auteure en résidence associée au projet : Lisanne Nadeau
Événements
Installation in situ
28 avril au 4 juin 2007
Lieu : terrain vacant + vitrines de 7 magasins, 315 rue Principale, Granby (Québec)
Rencontre festive
Samedi 28 avril 2007 à 16 h
Lieu : 315, rue Principale, Granby (Québec)
Équipe : Danyèle Alain, direction générale et artistique / Yves Gendreau, direction technique et administrative / Nina Dubois, soutien aux artistes et aux communications / Martin Dufrasne, chargé de projet / Stéphanie Lagueux, infographie et site web
Conseil d’administration : Thomas Grondin, Caroline Gagné, Michel Arcouette, Caroline Boileau, Yves Gendreau, Martin Poitras.
Remerciements : Zoo de Granby, Ville de Granby, Martin Arès et les commerces Travailleur Plus, Moto Bou-Tik Enr., Les Ateliers Décor d’aujourd’hui, Laflamme Fourrures, Aliments naturels Les Fours du Roy, Bistro Latino, Bronzage Granby.
Partenaires financiers : Conseil des arts et des lettres du Québec, Conseil des Arts du Canada.
Photos : Nina Dubois, Yves Gendreau et Jean-Yves Vigneau. © Jean-Yves Vigneau et 3e impérial, centre d’essai en art actuel