Mot du président

3e impérial, centre d’essai en art actuel
Assemblée générale du 17 mai 2014

je ne suis pas revenu pour revenir
je suis arrivé à ce qui commence
– Gaston Miron

Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque.
A te regarder, ils s’habitueront.
– René Char

3e impérial complète en 2014 sa trentième année d’existence. À 30 ans, dans la vie d’un homme, on arrive à un pivot. On a regardé dans plusieurs directions, on a fait des pas en avant, quelques pas en arrière, touché la folie, versé dans quelques excès. Nous voilà maintenant convaincus de ce que nous sommes, et déterminés à le laisser savoir au monde.

À 30 ans, nous pensons à ce que nous voudrons léguer. Notre mémoire, nos enfants. L’avenir. Ses menaces, mais surtout ses opportunités et ses lumières.

L’avenir, pour 3e impérial, c’est maintenant. Et cette lumière je la vois claire et vive, continuant à s’immiscer (à s’infiltrer pourrais-je dire) dans les interstices de la ville, des communautés, de l’art, du langage. Cette lumière prête à remplir les trous du réel (ou les craques dirait Léonard Cohen dans une citation que j’affectionne particulièrement : « There is a crack in everything. That’s how the light gets in. » – L. Cohen, « Anthem »). Les trous du réel donc, et sa lumière, source des rencontres si précieuses qui continueront de dessiner notre constellation.

Devant l’incompréhension, pire l’indifférence qui parfois nous éteint, je rappelle qu’autour de Granby, dans l’orbite qui est le nôtre, nous sommes le seul organisme voué à l’art actuel. Dans le contexte actuel, politique notamment, nous avons le devoir, me semble-t-il, de favoriser plus que jamais les rencontres avec le « vrai monde », et bien montrer que l’art fait partie des « vraies affaires », quoi qu’on en dise.

À 30 ans, nous avons parfois l’impression d’arriver, d’enfin pouvoir récupérer, nous reposer. Un danger nous guette. Celui des certitudes. Il serait si facile de ralentir, de se laisser dériver dans le confort de nos acquis. Et je pense à ces vers de Saint-Denys Garneau :

Je ne suis pas bien du tout assis sur cette chaise
Et mon pire malaise est un fauteuil où l’on reste
Immanquablement je m’endors et j’y meurs

À 30 ans, 3e impérial est à ce moment pivot. Éviter le confort et la tranquillité. Favoriser le déséquilibre, aller « vers son risque » (R. Char). En élargissant son cercle, en augmentant sa visibilité dans la région, dans l’espace médiatique, dans les sphères de l’art actuel québécois et international. En maintenant un équilibre précaire entre assumer son identité et se remettre en question. C’est de cette manière, il me semble, qu’il continuera à rayonner.

Je m’en voudrais de ne pas terminer ce petit préambule en soulignant le travail exceptionnel accompli par l’équipe du 3e. Chaque année, les contraintes financières, administratives, politiques obligent l’équipe à faire preuve de toute sa créativité pour faire vivre des projets toujours plus audacieux, toujours plus vivants. Danyèle, Yves, Patrick, Amélie et tous les collaborateurs du 3e ont une fascinante capacité d’adaptation. Ils arrivent à créer un climat propice au travail créateur, et surtout, aux rencontres et aux échanges si fondateurs de notre travail.

Dominic Marcil
Président du 3e impérial